Ce titre, quelque peu provocateur, a pour objectif de vous alerter sur les éventuels “méfaits” de l’éthylotest anti-démarrage (EAD). La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt fort intéressant le 11 mai dernier (22-85.301). Et il m’importait de vous en faire part.
Les faits sont simples. En 2019, Mme X a fait l’objet d’un contrôle routier. Durant celui-ci, les forces de l’ordre l’invitent à souffler dans l’éthylomètre. Son taux d’alcoolémie révéle un taux délictuel. Autrement dit, supérieur à 0.40 mg/l. La suite pour cette automobiliste, on la connaît. Les forces de l’ordre lui prennent son permis de conduire sur-le-champ. En parallèle, elles lui remettent un avis de rétention valable 120 heures, le temps pour l’autorité préfectorale de prendre un arrêté de suspension.
Cet arrêté prévoyait, en l’espèce, une suspension d’une durée de quatre mois de son permis, assortie de l’autorisation pour la contrevenante de conduire un véhicule à moteur équipé d’un dispositif homologué d’éthylotest anti-démarrage. Et ce, durant cette période de quatre mois. Par la suite, Mme X s’est vue notifier une ordonnance pénale la condamnant à une peine d’amende ainsi qu’à quatre mois de suspension.
Quitte ou double : double !
Plusieurs mois s’écoulent. Et Mme X, qui avait récupéré son titre de conduite à l’issue des quatre mois de suspension effectués dans le cadre de la mise en place d’un EAD (accompagnés de la perte automatique de 6 points sur son titre de conduite), pensait qu’elle avait exécuté la peine qui lui avait été judiciairement infligée (quatre mois), compte-tenu de la suspension administrative qu’elle avait effectuée (quatre mois sous EAD).
Néanmoins, le parquet n’avait pas la même analyse. Il demanda à Mme X la restitution de son permis de conduire dans le cadre de l’exécution de la peine de suspension judiciaire de quatre mois. Ce qui revenait à dire que Mme X devait, en réalité, subir huit mois de suspension !
Éthylotest anti-démarrage : des décisions inattendues
Saisi de la difficulté par le biais d’une requête en difficulté d’exécution, le tribunal a rendu son jugement le 9 février 2021. Il a rejeté la demande de Mme X. Pourtant, celle-ci était à la fois simple et, de prime abord, “logique”. En effet, elle demandait l’imputation de la durée de la restriction à la conduite avec éthylotest anti-démarrage sur la durée de la suspension de permis de conduire judiciaire, en application de l’article L. 224-9 du Code de la route, faisant plaider “qu’un même justiciable ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer des mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature.”
Ce fut peine perdue, y compris par-devant la Cour d’appel, saisie d’un recours contre la décision des premiers juges.
Cour d’Appel : aux origines des mesures considérées
Ce qui paraissait évident aux yeux de cette automobiliste ne l’était pas pour les autorités judiciaires… De fait, selon la Cour d’appel :
- Une mesure de restriction du droit de conduire aux seuls véhicules équipés d’un éthylotest anti-démarrage s’analyse comme une autorisation de conduire sous certaines conditions.
- Alors que la suspension judiciaire, elle, s’analyse comme une interdiction de conduire insusceptible d’exception.
Poursuivant son argumentation, la Cour d’appel a énoncé le fait que, selon elle, le législateur avait conçu ces deux mesures (suspension avec ou sans EAD) comme n’étant pas du même ordre. Par conséquent, il n’y avait pas lieu d’imputer la durée de la restriction administrative sur celle de la suspension judiciaire prononcée ultérieurement.
Réponse de la Cour de Cassation
Saisie d’un pourvoi formé par Mme X, la réponse de la Cour Suprême fut sans appel, si je puis dire. Celle-ci a rejeté le pourvoi. Et autant dire que ce positionnement est, fort malheureusement, conforme aux dispositions légales ainsi qu’à la réponse ministérielle rendue le 3 août 2021 (question nº 40629). Et pour cause : les mesures de suspension du permis de conduire et de restriction du droit de conduire étant de nature différente, la durée de l’une ne peut s’imputer sur celle de l’autre.
Éthylotest anti-démarrage : “morale de l’histoire”
Si vous “bénéficiez” d’une suspension administrative avec EAD, restez vigilant ! Si vous deviez par la suite être reconnu coupable et condamné judiciairement à une peine de suspension, il vous faudra veiller à ce que cette suspension soit assortie d’une possibilité de conduire un véhicule équipé d’un éthylotest anti-démarrage. En d’autres termes : même peine, même nature.
Et inversement du reste… Par exemple, imaginons une suspension administrative ne prévoyant aucun dispositif EAD et une décision judiciaire prévoyant une telle “faveur”… Quoiqu’il en soit, ne commettez pas l’erreur de demander au tribunal à bénéficier d’un tel dispositif si vous n’avez pas préalablement été sous le coup d’une suspension administrative avec EAD.
Et s’il s’agit d’une ordonnance pénale ?
Dans ce cas, n’hésitez pas à former opposition afin de bénéficier d’un débat devant un juge. Vous aurez ainsi l’opportunité de rappeler l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 mai dernier. Pour vous y aider et mettre toutes les chances de votre côté, vous pouvez compter sur le Cabinet Changeur, son savoir-faire reconnu en droit pénal routier depuis plus de 25 ans et sur l’engagement indéfectible de notre équipe.