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Ordonnance pénale assortie de l’exécution provisoire : « piège à con-trevenants… » au tournant !

Amis magistrats, s’il vous arrive de rendre des ordonnances pénales (délictuelles ou contraventionnelles) en droit pénal routier, prenez s’il vous plait le temps de me lire, voire de relayer ce qui suit.

Je souhaite en effet vous faire part de mon désarroi pour ne pas dire de ma colère : il ne se passe plus une semaine sans que mon cabinet constate la mise en place d’une pratique judiciaire assurément détestable et qui tend désormais à devenir la règle en matière d’ordonnances pénales (contraventionnelles ou délictuelles).

J’ai cité «L’EXECUTION PROVISOIRE », mécanisme s’il en était besoin, qui permet à une décision de justice, l’ordonnance pénale en l’espèce, rendue sans débat et à la chaîne il ne faut pas se mentir, d’être immédiatement exécutoire, nonobstant un éventuel recours formé par le contrevenant (en formant opposition).

Dans le meilleur des Mondes, le prononcé de l’exécution provisoire devrait avoir pour unique but et avantage de réduire une suspension administrative du permis de conduire (rendue sans débat…sauf arrêté 1F et encore…quand l’administration daigne respecter la procédure contradictoire attachée aux  arrêtés 1F contrairement aux 3F) et de permettre ainsi au conducteur de recouvrer son droit à conduire dès la notification qui lui est faite de cette décision, et dès lors avant même le terme prévu par la suspension préfectorale.

Parlons maintenant de la réalité du terrain…car elle est toute autre !

Le plus souvent ces ordonnances pénales sont rendues peu ou prou au terme de la suspension administrative, voire postérieurement à l’achèvement de cette dernière….

L’avantage attendu de l’exécution provisoire est dès lors réduit à néant…

Maintenant, parlons de 2 cas qui posent assurément difficulté et qui font l’objet de ma désapprobation la plus absolue :

  • celui d’une suspension judiciaire assortie de l’exécution provisoire, rendue par ordonnance pénale et qui viendrait augmenter la durée de la suspension administrative initialement rendue (et la plupart du temps déjà effectuée) : dans ce cas, le conducteur concerné sera immédiatement et à nouveau privé de son titre de conduite (en vertu de l’exécution provisoire) et il devra dès lors remettre sans délai son nouveau son titre de conduite qu’il avait pourtant pu récupérer après examen médical (commission ou bien médecin agrée tout dépend de la nature de l‘infraction poursuivie)…

Un éventuel recours du conducteur concerné ne changerait pas grand-chose car ledit recours (opposition) mettrait plusieurs mois pour être audiencé, et en attendant la suspension judiciaire serait applicable et le quantum restant à faire, devant l’être immédiatement (exemple 6 mois de suspension administrative et 10 mois de suspension judiciaire assortie de l’exécution provisoire : 4 mois de plus à effectuer sur le champ !).

Privant ainsi le contrevenant de l’effectivité d’un recours qui pourtant est son droit le plus essentiel, surtout à l’encontre d’une décision rendue sans débats, et le plus souvent sous forme de barèmes internes à la juridiction…

 

  • Autre cas, encore plus problématique pour ne pas dire gravissime : une ordonnance rendue, revêtue de l’exécution provisoire (exemple 6 mois de suspension judiciaire, voire plus, nous le constatons de plus en plus…) sans qu’aucun arrêté de suspension administrative n’ait été rendu par l’autorité préfectorale !

Dans cette hypothèse et malgré un recours qui pourrait dans l’absolu être formé sans délai, l’affaire serait alors fixée en audience plusieurs mois après…et certainement après que la suspension judiciaire ait été totalement exécutée…

 

Au tribunal judiciaire de Bordeaux, la magistrate chargée depuis peu de rendre les ordonnances pénales contraventionnelles 5ème classe, inflige systématiquement des amendes de l’ordre de 1000 à 1500 euros (qui est le maximum…),sans compter des suspensions judiciaires du permis de conduire, d’une durée de 12 mois minimum (18 mois ont en effet été constatés…), que les conducteur sont contraints d’exécuter immédiatement en l’existence de l’exécution provisoire, et parfois sans que ces derniers aient fait l’objet d’une suspension préalable et administrative de leur titre de conduite, comme rappelé ci-avant…

Est-ce la solution pour lutter contre l’insécurité et l‘incivilité routière, qui plus dans des dossiers qui parfois aboutissent in fine à des relaxes ???

J’ai souvent tendance à rappeler que « justice » doit rimer avec « justesse ».

Dès lors que ce qui vient d’être rappelé est appliqué, où est la justice qui rime avec « justesse » ?

Ne doit-on pas garantir à chaque citoyen un procès équitable en toutes circonstances, surtout lorsque des décisions de justice sont rendues avec exécution provisoire, et sans débat préalable ?

Telle est la question que je pose et qui doit nécessairement aboutir à une réflexion plus globale, au-delà d’ailleurs des ordonnances pénales…